Les seniors ne se pêchent pas à l’épuisette
Le billet de Béné – Mars 2022
Il y a quelque chose de compliqué lorsqu’on veut s’adresser à notre public, « les seniors » : s’ils sont désignés par ce terme général, ils sont en réalité divers et variés. Il y a les nouveaux seniors, les seniors accomplis, les seniors de différentes classes sociales, les seniors qui vivent à domicile, les seniors en maisons de repos, des femmes, des hommes, et d’autres genres encore. Et toutes ces personnes, au-delà de leur âge, vivent des expériences très différentes au quotidien. Plus encore, elles vivent différemment ce qui est censé les rassembler, à savoir la vieillesse elle-même.
Lorsque je me suis lancée dans une série d’interviews intimistes sur le thème du vieillissement, une invitée m’apprenait qu’elle aimerait lancer un groupe militant de femmes âgées qui se nommerait « les vieilles tartes », une autre me confiait qu’elle était gênée de se retrouver au micro d’une ASBL portant le mot « seniors » dans son nom. Elles avaient toutes les deux le même âge.
Aussi compliqué que cela rende mon travail, c’est aussi encourageant : plus je veux comprendre qui sont les seniors, plus ils me prouvent que « les seniors », ça n’existe pas. Et leur diversité montre clairement qu’un mode de pensée âgiste est tout aussi ridicule qu’illusoire. En effet, l’âgisme, c’est vouloir coller une étiquette négative à tout un groupe de la population. Mais comment regrouper des électrons libres, opposés parfois, différents toujours ? Et comment les étiqueter selon un « âge », quand cet âge varie de 65 à plus de 100 ans et que deux personnes de 75 ans tout pile vivent parfois des quotidiens radicalement opposés ? L’âgisme, donc, c’est comme vouloir rassembler les vagues de tous les océans avec une épuisette. Physiquement impossible et scientifiquement sans intérêt.