Euthanasie en Belgique : dernières modifications de la loi
Dans notre pays, l’euthanasie est dépénalisée et ce, sous certaines conditions. Chaque acte d’euthanasie est contrôlé a posteriori par la Commission de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, le·la médecin ayant l’obligation de déclarer toute euthanasie pratiquée. Lorsque la Commission estime que les conditions légales de cet acte n’ont pas été respectées, après un vote à la majorité qualifiée des deux tiers, elle doit renvoyer au Parquet le dossier.
Qu’entend-t-on exactement par dépénalisation ?
La dépénalisation consiste en la suppression des sanctions pénales jusqu’alors encourues pour l’accomplissement de certaines infractions. Si l’acte est dépénalisé sous conditions, celui ou celle qui enfreint ces conditions peut néanmoins être poursuivi·e pénalement voire condamné·e.
La Commission de contrôle et d’évaluation : quelles missions ?
Après l’euthanasie, le·la médecin doit déclarer l’acte. Pour ce faire, iel doit compléter et envoyer le document d’enregistrement établi à cet effet à la Commission de contrôle et d’évaluation. Cette Commission, composée de seize membres, contrôle ainsi a posteriori si les conditions et la procédure prévues par la loi[1] ont été respectées. Tous les deux ans, elle établit également un rapport destiné à la Chambre des représentant·e·s comportant un volet statistique, une description et une évaluation de l’application de la loi et le cas échéant, des recommandations en vue d’améliorer son application.
Lorsque la Commission de contrôle et d’évaluation estime que les conditions légales de l’acte n’ont pas été respectées, elle doit envoyer au Parquet la déclaration remise par le·la médecin ayant pratiqué ledit acte. Le Parquet dispose de l’opportunité des poursuites. Il peut classer sans suite le dossier ou requérir, devant les chambres d’instruction, le renvoi du·de la médecin devant les tribunaux correctionnels.
Ce fut le cas dans l’affaire dite Tine Nys[2] : trois médecins ont été poursuivis devant la Cour d’Assises de Gand pour meurtre pour empoisonnement. A noter que la Commission de contrôle et d’évaluation n’avait pas estimé devoir renvoyer le dossier au Parquet mais que la justice a été saisie d’une plainte avec constitution de partie civile de membres de la famille de Tine Nys.
Quels enjeux en Belgique pour les médecins qui pratiquent une euthanasie ?
En 2002, le législateur n’avait pas prévu des sanctions spécifiques selon que le·la médecin n’avait pas respecté les conditions essentielles (demande volontaire, affection grave et incurable, souffrances inapaisables) ou qu’iel avait commis un manquement par rapport aux conditions de forme ou de procédure (par exemple, manque d’une signature, d’information, d’entretien avec l’équipe soignante ou encore un délais d’envoi du questionnaire à la Commission non respecté).
Tout non-respect des conditions essentielles ainsi que de forme et procédure de la loi pouvait ainsi donner lieu à une seule et même incrimination : le meurtre par empoisonnement.
Quelles modifications de loi pour ne plus considérer comme des meurtres les erreurs de procédure ?
L’application d’une seule et même incrimination à tout non-respect de condition, quelle qu’elle soit, n’était bien évidemment pas justifiée. Pour répondre aux demandes de la Cour constitutionnelle à ce sujet[3], il fallait prévoir donc des sanctions spécifiques. C’est ainsi que la Chambre a adopté récemment la loi du 27 mars 2024 (publiée au Moniteur Belge le 29 mars 2024)[4].
Les violations des conditions essentielles pour pratiquer une euthanasie seront passibles de 10 à 15 ans de prison. Les violations de la procédure de consultation obligatoire d’un·e autre médecin[5] (ainsi que d’un·e pédopsychiatre ou d’un·e psychologue pour attester du discernement d’une personne mineure), seront passibles de 8 jours à 3 ans de prison. Les autres manquements aux conditions de forme et de procédure relèveront du droit civil ou des fautes déontologiques.
Le·la médecin qui manquerait aux conditions essentielles ne risquerait plus la Cour d’assises pour répondre de meurtre par empoisonnement. Il est cependant regrettable que le législateur ait retenu des sanctions pénales pour la condition de procédure de consultation : même si les conditions essentielles devaient être remplies, le·la médecin risquerait néanmoins des poursuites pénales pour le seul fait, par exemple, d’avoir consulté un confrère ou une consœur qui ne serait pas jugé·e indépendant·e du.de la patient.e ou de lui.elle-même.
Et quelles modifications pour le document d’enregistrement qui doit être complété par les médecins après une euthanasie ?
Auparavant, le questionnaire à remplir par les médecins était constitué de deux volets contenant chacun des informations distinctes. L’un était anonyme est reprenait uniquement les indications exigées par la loi (maladie, procédure suivie, etc.). L’autre volet contenait les données permettant d’identifier toutes les personnes concernées et pouvait être ouvert seulement dans le cas où l’examen du volet anonyme faisait apparaitre un doute sur les conditions dans lesquelles l’euthanasie s’était déroulée.
La loi du 27 mars 2024 a également levé l’anonymat pour le document d’enregistrement à compléter par les médecins après une euthanasie. Il sera possible de télécharger ce nouveau document sur le site de la Commission de contrôle et d’évaluation (www.commissioneuthanasie.be).
Mara BARRETO/Liages/8 avril 2024
Photo d’illustration
Nous remercions Me Jacqueline Herremans, avocate, présidente de l’A.D.M.D. et membre de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, pour sa précieuse relecture et ses conseils pertinents dans la rédaction de cet article.
[1] La loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie est parue au Moniteur belge le 22 juin 2002 et est entrée en vigueur le 23 septembre 2002.
[2] Affaire judiciaire concernant l’euthanasie en 2010 d’une femme belge de 38 ans, en raison de souffrances psychiques insupportables.
[3] Arrêt n° 134/2022 du 20 octobre 2022.
[4] Loi du 27 mars portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses. Chapitre 10 : Modification de la loi du 28 mai relative à l’euthanasie. Article 134 et suivants.
[5] Si le décès n’est pas prévisible à brève échéance, le·la médecin doit, en plus, consulter un·e second·e médecin (soit spécialiste de la pathologie concernée, soit psychiatre).