Différents discours politiques sur la pauvreté à déconstruire
La lutte contre les inégalités sociales est un cheval de bataille de Liages. En tant qu’association d’éducation permanente socialiste, nous sommes soucieux de porter un regard critique sur les phénomènes de discrimination, de domination et d’injustice sociale afin de réfléchir aux leviers d’action envisageables pour leur transformation. De ce fait, nous ne sommes pas insensibles à la paupérisation qui traverse notre société et en particulier celle dont une part importante des personnes âgées sont victimes.
En Belgique, 24 % des seniors vit sous le seuil de pauvreté. Ce taux est a nuancé. Les revenus de pension constituent un élément parmi d’autres du maintien du bien-être et de la sécurité d’existence des personnes âgées. Logement, culture, remboursement des soins de santé, mobilité… sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte. Cela étant dit, la pauvreté de revenus dans la population des seniors est une problématique bien réelle que nous ne pouvons négliger. Il est utile de rappeler « que 59% des femmes et 33% des hommes ayant droit à un pension perçoivent un montant inférieur à 1000 euros. Près de la moitié d’entre eux, 28% des femmes et 16% des hommes perçoivent un montant inférieur à 750 euros » (Protection sociale et pauvreté, p.106).
Quels chemins devons-nous prendre pour faire diminuer ces taux de pauvreté ? Des discours politiques pluriels répondent à ce questionnement selon une représentation qui leur est propre. Une première représentation, à tendance libérale, considère que la diminution de la pauvreté en Belgique ne pourra se réaliser que par l’augmentation de la richesse nationale. La seconde, qui s’oriente vers une philosophie charitable, promeut une sensibilisation à la « tolérance de l’autre » pour lutter contre la discrimination sociale des personnes en situation de pauvreté. La vision socialiste enfin préconise qu’une répartition des revenus de manière plus égalitaire entre les couches sociales de la société est la réponse adéquate pour solutionner le problème sans chercher à l’éviter.
Dans ce texte, nous analyserons et déconstruirons d’abord deux visions qui naturalisent le phénomène de pauvreté : la vision libérale et la vision charitable. Ensuite, nous expliquerons pourquoi la défense des mécanismes sociaux de répartition des richesses nous semble être la réponse la plus adéquate pour diminuer la pauvreté qui touche les seniors.
Deux discours sur les pauvres
a. Le discours néolibéral
Le néolibéralisme fonde son existence sur les « lois du marché économique » qu’il considère comme naturelles. Selon le modèle d’économie néolibérale, moins il y a de régulation de la part de l’État, mieux la société se porte. Il encourage par conséquent plus de flexibilité et d’autonomie de la part des acteurs de l’économie afin d’augmenter le profit et le bénéfice des grosses entreprises et donc la richesse du pays. C’est comme ça que les États sont capables, en période de crise économique, de débourser énormément d’argent pour sauver les banques, au détriment de budgets publics qui auraient pu être alloués à la santé, aux pensions ou encore à l’accueil des personnes âgées.
Dans ce système, la dimension financière supplantent la dimension sociale et le bien-être des citoyens. Paradoxalement, même si le pays enregistre une croissance économique positive, le taux de pauvreté croit également. La diminution de la pauvreté dans un pays n’est donc pas liée à sa croissance économique.
Dans cette pensée néolibérale, le vieillissement de la population est vu comme un coût, un défi économique qu’il va falloir gérer au plus vite. Aussi, des solutions pour contrer le problème de la pauvreté des pensionnés seraient de maintenir les seniors au travail le plus longtemps possible et de favoriser les systèmes de capitalisation des pensions2. Or des études montrent que les systèmes basés sur l’épargne individuelle des pensions (2e et 3e piliers) avantagent les plus riches (capables d’épargner) et appauvrissent les classes plus précaires (dont les revenus ne permettent pas l’épargne).
L’individualisme encouragé par cette vision considère qu’un pensionné, dont le revenu est insuffisant pour répondre à ses besoins, est responsable de cette situation, dont il pourrait prévoir la conséquence. Cette vision ne prend donc pas en considération les inégalités de revenus au fondement de l’augmentation de la pauvreté. Parallèlement à cette vision néolibérale dominante dans nos sociétés occidentales, un second discours prend aussi de l’ampleur dans l’espace politique et médiatique. Celui-ci propose d’améliorer « l’intégration des pauvres ».
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