Comment ne plus avoir peur de vieillir ?

Le billet de Béné – Janvier 2023

C’est une question qu’il m’a fallu déjà aborder, moi qui termine doucement ma troisième décennie d’existence. Bien sûr, j’y ai cherché la réponse un peu partout. Et même si je ne l’avais pas cherchée, elle se serait imposée à moi, bombardée dans la presse féminine et sur les réseaux : pour vaincre cette peur… il suffirait de vaincre la vieillesse ! Ou en tout cas, de vaincre la « mauvaise vieillesse », en mélangeant vie saine, crèmes anti-rides, astuces de maquillages, colorations végétales et pensées po-si-ti-ves.

Rien dans tout ça qui me convaincs vraiment, car selon moi, le déni et le rejet du vieillissement, ce n’est pas en surmonter la crainte. Dit-on aux personnes arachnophobes qu’elles peuvent faire en sorte de ne jamais croiser d’araignées ? Ou à celles agoraphobes qu’elles peuvent vivre isolées indéfiniment ? Bien sûr, il est possible de vivre reclus·e·s et de ne jamais s’exposer à l’objet de sa peur, mais il faut alors accepter de (sur)vivre en fonction d’elle.

Je ne veux pas vivre en fonction de ma future vieillesse. J’ai tellement de plus belles choses à faire que de m’occuper de mes futures rides, de traquer chaque soir le cheveu gris dans mon miroir. Je ne veux pas non-plus vivre comme si cette vieillesse n’existait pas. Je veux l’inclure dans ma vie… et surprise : plus je l’y inclus et moins j’en ai peur !

Ce fut d’ailleurs la première étape pour me défaire de la phobie de la vieillesse : la côtoyer et l’écouter raconter son vécu. J’y ai découvert des personnes âgées remplies de trésors de résilience, des tas de nouveaux départs, des dizaines de vieilles et de vieux inspirant·e·s, aux styles éclectiques, aux parcours éclatés en différentes vies qui m’ont donné envie d’être là où ils et elles en sont, de pouvoir raconter à mon tour des histoires semblables à la leur, de changer d’air, de style et de cap à 60, 70 ou 80 ans.

La deuxième étape, bien qu’au départ fort peu réjouissante, fut d’accepter ma propre finitude. Quel choc pour l’égo… mais quelle libération pour les nerfs. Un jour je mourrai, comme tout en chacun, … et alors ? Et alors… rien ! Nous ne sommes tous et toutes que des poussières mouvantes sur un gros caillou perdu dans l’espace. À l’échelle de l’univers, nos vies ne représentent qu’un millième de seconde. Ne les prenons pas trop au sérieux. Nous n’occupons qu’une infime partie d’un engrenage bien plus vaste. En ça, nous ne mourrons vraiment que quand cet engrenage s’arrêtera, qu’avec la fin de l’humanité, de la voie lactée, de l’univers. Pas tout de suite-tout de suite, donc. Alors non, je ne vis pas comme si chaque jour était le dernier dans une course effrénée et je ne me réveille plus la nuit secouée par l’angoisse de ma propre mort. Maintenant je me repose en laissant l’univers s’accomplir autour de moi. Par contre, je profite de chaque jour pour que le millième de seconde qui m’est accordé dans ce monde en soit un qui ne lui fasse aucun mal, qui participe à son progrès, et qui soit surtout un moment rempli de liens et de petits bonheurs.

La troisième étape, c’est de ne pas seulement faire disparaître la crainte de vieillir : c’est de me réjouir de vieillir. Chaque étape de la vie est une porte que l’on ouvre avec son lot de bonheurs et de peines. J’avoue, par exemple, être bien contente d’en avoir terminé avec l’adolescence, une période qui fut assez laborieuse pour moi. J’en regrette toutefois l’insouciance. Dans mon vieillissement, je sais que je trouverai quelques éléments plus négatifs, mais aussi des expériences tant attendues : disposer de temps, de la force de mon vécu, de la sérénité d’avoir appris à me connaître pendant toutes ces années. Je me réjouis de pouvoir devenir une vieille bique très cool, riche de son passé, riche d’une quiétude bâtie au fur et à mesure. J’attends que mes cheveux m’offrent une toison neutre pour pouvoir les teindre de toutes les couleurs et même en blanc immaculé ! J’ai toujours voulu teindre mes cheveux, mais je suis blonde vénitienne, cette couleur rare que mes proches me répètent sans cesse ne pas devoir gâcher. Alors j’attends. Et je me réjouis d’avance. 

 

 

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