Ce printemps, enfilons nos basquets !
« L’exaltation physique réduit l’hésitation de l’esprit.
L’activité musculaire nettoie les regrets.
Je ne pense plus, j’agis ».
Anita Conti(1)
Introduction
Dans le contexte restrictif que nous connaissons depuis déjà un an, nous sommes nombreux·ses à avoir échangé nos basquets par une paire de pantoufles. Ce n’est pas surprenant : nos interactions sociales ont été limitées ou même empêchées et nos activités habituelles certainement très perturbées !
Nous ne nous attendions pas à que cette crise sanitaire dure si longtemps. Nous la traversons tous·tes du mieux que nous pouvons, avec des hauts et des bas et avec encore quelques inconnues pour les mois à venir. Ne soyons pas donc trop dur·e·s envers nous-mêmes en cette période mais n’oublions pour autant que l’évolution de notre santé dépend souvent de l’attention que nous nous portons !
Pourquoi bouger ?
L’augmentation croissante des maladies chroniques avec l’âge et la sédentarité, de même qu’un vieillissement fonctionnel accéléré chez les personnes sédentaires affectent les systèmes musculaire et cardiovasculaire, suffisamment pour compromettre l’indépendance fonctionnelle.
Nos modes de vie peuvent améliorer notre qualité de vie et ainsi éviter ou retarder les maladies et le déclin fonctionnel. L’exercice physique régulier joue un rôle préventif. Ses bienfaits sont bien documentés, autant pour éviter la perte de mobilité et l’apparition des maladies chroniques associées au vieillissement que pour leur prise en charge. Alors, pour celles et ceux qui restent sceptiques, rappelons une fois plus que l’activité physique :
- contribue à maintenir la mobilité corporelle et le capital musculaire, donc l’autonomie physique et le sens de l’équilibre ;
- augmente les capacités d’endurance et améliore la souplesse articulaire.
Voyons cela plus en détail
a) Modification de la composition corporelle
La composition corporelle change avec l’âge : la masse adipeuse (graisseuse) augmente et la masse musculaire diminue. Une autre modification liée au vieillissement est la diminution de la densité et de la masse osseuses, cause directe des fractures ostéoporotiques(2).
Il se trouve que l’activité physique aérobie(3) (en endurance) entraine une diminution de la masse adipeuse. C’est le cas de la randonnée, du vélo, de la natation, etc. En revanche, les exercices de résistance à l’aide, par exemple, des bandes élastiques, permettent d’augmenter la masse musculaire et constituent un moyen efficace pour prévenir et prendre en charge la sarcopénie(4).
Les modifications liées à l’activité physique ont ainsi des effets positifs sur notre santé comme le contrôle du poids, la réduction de la résistance à l’insuline et la prévention du diabète sucré (type 2), le maintien de la densité minérale osseuse ou encore l’amélioration des facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, etc.).
b) Diminution de la force musculaire
Le nombre de fibres musculaires diminue également avec l’âge, engendrant non seulement une diminution de la masse mais aussi de la force musculaire. Mais cette perte de force ne dépend pas uniquement de la réduction de la masse : elle est aussi liée à d’autres facteurs qui affectent la contraction musculaire comme une baisse de la vitesse de raccourcissement des muscles ou la diminution de leur innervation. C’est pourquoi à partir d’un certain âge, nous perdons plus rapidement la force que la masse musculaire.
La diminution de la force musculaire entraine forcément des fonctions locomotrices amoindries. Par exemple, la diminution au niveau des membres inférieurs est associée à une réduction de la mobilité et par conséquent, à une augmentation des risques de chutes et de fractures. Les exercices en résistance servent donc à renforcer notre musculature et ceux de balance/équilibre, comme le tai-chi ou le yoga, à prévenir les chutes en améliorant les fonctions associées au contrôle de la posture et de la proprioception(5).
Bien entendu, certaines activités permettent d’associer les différents types d’exercices physiques comme par exemple, l’aquagym ou encore la gymnastique douce.
Effets sur le bien-être
Vous le savez déjà, le bien-être n’englobe pas seulement l’état physique. Il s’agit d’un phénomène subjectif qui renvoie aussi bien à des composantes émotionnelles qu’à la perception de la satisfaction que nous avons par rapport à la vie. Il est reconnu scientifiquement que l’exercice physique améliore les symptômes de dépression. Il a également un effet anxiolytique et favorise un sommeil de qualité.
L’activité physique améliore donc la qualité de vie en procurant une meilleure forme physique mais aussi un meilleur moral. Bien entendu, il faut aussi qu’elle vous plaise et que vous soyez à l’aise est détendu·e en la pratiquant !
30 minutes de marche (ou son équivalent)
Il ne faut pas forcément faire du sport mais au moins pratiquer une « activité physique à caractère sportif » (c.à.d. avec une dépense énergétique suffisante). Pour vous repérer, une notion simple : l’équivalent d’au moins 30 minutes de marche rapide chaque jour.
Si vous faites du sport une ou deux fois par semaine, c’est bien, mais n’oubliez pas que la régularité de l’activité physique est un élément essentiel pour obtenir un bénéfice sur la santé. L’idéal est donc de compléter votre activité sportive par l’équivalent d’au moins 30 minutes de marche 3 fois par semaine. Si vous ne pouvez pas consacrer 30 minutes d’affilée à une activité physique, il est possible de faire plusieurs périodes d’au moins 10 minutes.
La marche est l’activité physique la plus simple à pratiquer, la plus facilement abordable et celle à moindre coût ! Comment augmenter votre temps de marche ? Rendez-vous le plus possible à vos différentes activités à pied. Prenez le bus ou le tram un arrêt plus loin ou descendez un arrêt avant votre destination. Faites une promenade dans la journée. Si vous n’aimez pas marcher seul·e, emmenez un·e ami·e, votre conjoint·e, vos petits-enfants…
Beaucoup d’activités, pratiquées régulièrement, permettent de se maintenir en forme physiquement. Prenez les escaliers plutôt que l’ascenseur ou l’escalier mécanique. Faites régulièrement du vélo d’appartement. Préférez faire vos courses à pied ou à vélo. Le ménage, le bricolage, le jardinage… c’est aussi de l’activité physique au quotidien. Suivant les possibilités, nagez, faites des exercices de gymnastique ou dansez, seul·e ou accompagné·e… Et pensez aussi aux associations qui organisent ce type d’activités !
Merci mais non merci
Pour celles et ceux qui pendant la dernière année pleine de restrictions ont été souvent en mode « pantoufles », j’espère humblement que cet article servira comme petite piqure de rappel. Car malgré la reconnaissance des bénéfices pour la santé, l’inactivité physique demeure un problème de santé publique dans la plupart des pays industrialisés. Mais… si l’on sait déjà que l’activité physique améliore notre qualité de vie, qu’est-ce qui nous fait échouer sa pratique régulière, même hors cette période Covid ? Les facteurs limitant la pratique sportive seraient, entre autres :
- des fausses croyances (« l’excercise ne prévient pas de maladies », « il peut être dangereux »…) ;
- une mauvaise expérience avec la pratique d’un sport ;
- l’absence de support social et envirommental ;
- une limitation au niveau physique (arthropaties, douleurs, etc.) ;
- un manque de motivation…
Certain·e·s seniors ont également crainte par rapport aux conséquences néfastes qui pourraient survenir lors d’une activité physique. Certes, cette crainte est justifiée, mais le danger est généralement associé à l’intensité inadaptée, à la vitesse d’exécution ou à l’utilisation des appareils sans supervision professionnelle. Les personnes habituellement sédentaires auront, par exemple, un risque accru d’accident cardiaque lors d’une pratique d’exercice intense. Quant aux individus souffrant d’ostéoporose, ils auront un plus grand risque de fractures lors des chutes. Et comme l’exercice améliore la sensibilité à l’insuline, les personnes souffrant de diabètes seront plus à risque de manifester des symptômes d’hypoglycémie(6) (étourdissement, palpitations, transpiration, tremblements, etc.). Néanmoins, ces accidents peuvent être prévenus, dans la plupart des cas, par l’individualisation des exercices.
Opter pour une activité adaptée
L’âge n’est pas un obstacle à la pratique de l’exercice physique du moment que l’on choisit une activité physique adaptée à sa condition et que l’on évolue à son propre rythme. Ainsi, il est recommandé de faire un bilan médical chez votre médecin pour prévenir les problèmes de santé (notamment suite à la pratique d’un sport inadapté) et pour déterminer le seuil d’effort à ne pas dépasser. Dans certaines situations, il sera nécessaire de réaliser un examen cardiaque, y compris un test d’effort. C’est dans ce sens que votre médecin pourra vous orienter vers une activité en accord avec vos capacités physiques.
Privilégier l’endurance plutôt que l’effort
Peu importe l’activité physique pratiquée, soyez attentif·ve à votre respiration. Si celle-ci est rapide, elle révèle du stress et de la fatigue ; si elle est lente, elle traduit le calme et la détente. N’oubliez pas que l’activité pratiquée ne doit pas provoquer une fatigue excessive, qui pourrait être à l’origine de tendinites, de problèmes articulaires ou, comme mentionné précédemment, de fractures, voire d’un accident cardiaque.
Si vous êtes fatigué·e après l’effort ou que vous avez mal, diminuez l’intensité et la fréquence de l’exercice. N’hésitez pas à en parler à votre médecin ou à votre kinésithérapeute. Dans le même ordre d’idées, fuyez les conditions extrêmes, comme les grandes chaleurs et les grands froids, les efforts violents et l’activité physique trop intense.
En guise de conclusion
Quel que soit votre âge, l’activité physique quotidienne est bénéfique : elle exerce un rôle préventif sur de nombreuses maladies, favorise la circulation sanguine et la respiration, retarde la perte de mobilité, participe à la prévention des chutes, prévient la prise de poids, etc. L’exercice combat aussi le stress, crée une sensation de bien-être, procure un sommeil de meilleure qualité et aide à se relaxer.
Compte tenu de tous ces bénéfices, il importe de poursuivre les efforts en matière d’éducation à la santé pour que non seulement les seniors mais aussi les adultes d’âge moyen, futures personnes âgées, prennent conscience des enjeux de la prévention pour leur santé et pratiquent de façon plus régulière une activité physique.
Les professionnel·le·s de la santé doivent favoriser sa pratique en définissant quelle activité prescrire : elle doit être le plus possible individualisée selon nos objectifs à atteindre. Elle doit aussi être adaptée à notre âge, nos éventuelles pathologies chroniques et notre condition physique. Pour celles et ceux ayant des maladies chroniques, une consultation médicale préalable est nécessaire afin de déterminer les précautions particulières à prendre. Enfin, pour obtenir notre adhésion régulière, l’activité doit être suffisamment attrayante. Tenons aussi compte de nos goûts et de nos préférences.
Alors, ce printemps, pour ne pas avoir le moral dans les chaussettes, enfilons nos basquets !
- Sources
BELMIN J. et al. Gériatrie pour le praticien. Effets préventifs de l’activité physique. Elsevier Masson, 2019 ; 102 : 924 931. - OMS. L’activité physique des personnes âgées. Recommandations : les personnes âgées de 65 et plus. Disponible sur : https://www.who.int/dietphysicalactivity/factsheet_olderadults/fr
Mara Barreto
1 Citation d’Anita Conti, première femme océanographe française (1899-1997) ; Géants des mers chaudes, Paris, 1957.
2 Ostéoporose : maladie généralisée du squelette qui a pour conséquence une diminution de la résistance mécanique de l’os, avec un risque accru de fractures.
3 Aérobie : activité sollicitant plusieurs groupes de muscles et demandant un effort physique soutenu dans la durée.
4 Sarcopenie : syndrome se caractérisant dans un premier temps par une diminution des capacités musculaires due à l’âge et qui en s’aggravant sera à l’origine d’une détérioration de la force musculaire et des performances physiques.
5 Proprioception : perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps.
6 Hypoglycémie : concentration en glucose (sucre) dans le sang anormalement basse.