“Le temps est la seule prison de laquelle on ne peut s’échapper.”
Partout dans le monde, les prisons dépensent beaucoup de temps, d’argent et d’énergie à éviter que les détenus ne s’échappent. Au Japon, c’est le contraire : on essaie de les persuader de partir… Le nombre de personnes âgées derrière les barreaux explosent et la raison est claire : les seniors se font volontairement prendre en flagrant délit de vol dans les magasins pour aller en prison. Pourtant, les prisons japonaises n’ont rien de la vie de château mais les seniors espèrent trouver là-bas de meilleures conditions de vie : en prison, ils seront nourris, logés et soignés ! Bon nombre de japonais sacrifient donc leur liberté pour une survie décente. Le phénomène est tel que le gouvernement japonais a décidé d’équiper toutes ses prisons d’un service de gérontologie pour accompagner les seniors.
Cette recrudescence des seniors en prison n’est pas cantonnée au seul pays du soleil levant. Bien que les raisons soient différentes, cette augmentation se remarque sur tous les continents et l’Europe n’est pas en reste : France, Suisse, Allemagne, Italie, Belgique… tous ont le même constat : le nombre de seniors en prison a augmenté de manière significative ces dernières années.
Comment expliquer cette augmentation ? Quel est le nombre de détenus âgés en Belgique ? Quelles sont leurs conditions de détention ? Quels problèmes le vieillissement de la population carcérale engendre-t-il ? La prison a-t-elle encore une utilité pour ce type de détenus ? Ne devrait-on pas envisager autre chose pour eux ? Bref, les vieux ont-ils leur place en prison ?
La situation en Belgique
Notre pays compte 34 prisons divisées en 2 catégories : d’une part, les maisons d’arrêt, où sont enfermées les personnes qui n’ont pas encore été condamnées et qui sont détenues de manière préventive ; d’autre part, les maisons de peine où séjournent les détenus condamnés à une peine privative de liberté. Cette distinction est plus théorique que pratique car en raison de la surpopulation carcérale, de plus en plus d’établissements font office à la fois de maison d’arrêt et de maison de peine.
En Belgique, entre 2009 et 2013, le nombre de détenus de 60 ans et plus est passé de 308 à 486 avec une progression plus marquée (72%) pour les détenus entre 60 et 70 ans. En 2002, ils n’étaient « que » 203. Pourquoi y’a-t-il autant de seniors en prison ?
Une première explication tient au vieillissement de la population : dans un monde qui vieillit, les prisonniers vieillissent également. Alain Bauer, criminologue, explique que « les conditions physiques du vieillissement, le fait que les gens vivent plus longtemps en meilleure santé influe inévitablement sur les comportements. Ainsi, le délinquant d’habitude pourra prolonger son activité, l’impulsif conserver son punch bien après l’âge de la retraite, avec les conséquences que cela implique ».
Bien que l’on vive de plus en plus vieux en meilleure santé, le quotidien n’est pas toujours facile. Comme c’est le cas au Japon, de nombreux seniors aux prises avec des difficultés économiques, ont de plus en plus tendance à commettre des délits. En outre, les liens avec la famille et la communauté locale se distendant de plus en plus, certains envisagent l’avenir avec pessimisme et finissent par commettre des crimes graves. La pauvreté, la précarité, l’isolement des seniors sont autant d’éléments à prendre en compte dans l’explication de l’augmentation de ce public dans les prisons.
Le système pénal belge avec sa quête de sécurité à tout prix est également une explication. En effet, auparavant, certaines peines relativement courtes n’étaient pas effectuées et les peines étaient généralement moins longues. Aujourd’hui, il existe un véritable allongement des peines avec en parallèle, une diminution des libérations conditionnelles. De plus, les conditions souvent rigoureuses d’accès à celle-ci font que certains détenus choisissent délibérément d’ « aller à fond de peine ».
Il faut également remarquer que les détenus les plus âgés le sont souvent pour des infractions à caractère sexuel punies bien après les faits, et pour meurtres ou assassinats, eux aussi lourdement punis.
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