À la recherche de liens entre les générations

À la recherche de liens entre les générations

« L’intergénération c’est, (…) rechercher, dans la diversité des âges, un patchwork de liens qui donnent des couleurs à nos vies. » 

« À la recherche de liens entre les générations » est une enquête sociologique menée par Jean-Jacques Amyot.

L’intrigue : « Les actions favorisant les liens entre les générations se multiplient de nos jours, notamment dans le domaine médico-social, socio-culturel ou du logement. Renforcer ces liens permettrait de s’entraider et de se sentir protégé, d’accéder à une meilleure qualité de vie tout en corrigeant des politiques publiques segmentées.

Si cette problématique est pertinente, favoriser les échanges entre les générations n’est pourtant pas aussi simple qu’il n’y paraît. Les générations vivent selon des temporalités différentes, sur des territoires qui leur sont plus ou moins spécifiques, et les stéréotypes entretenus par les médias (guerre des âges, incommunicabilité entre les générations…) constituent des obstacles à leur rencontre. »

À la manière de l’inspecteur Gadget, Barnaby ou Columbo (selon la culture spécifique à votre génération), décortiquons quelques mots de vocabulaire :

Génération : renvoie à l’idée de naissance, de procréation, de famille. D’un point de vue sociohistorique,  « une génération comprend des personnes situées dans une même zone d’âge, auxquelles les expériences vécues donnent des références sociales, culturelles communes » (génération Hippies, 68, Z…).

L’intergénération « concerne les générations vivantes et qui sont pour un temps contemporaines, mais dont les relations dépassent la simple co-présence à un moment donné, dans un lieu donné. (…)

Ce sont des échanges, des interactions entre individus qui diffèrent par leur position historique ou la place dans le groupe familial. »

Poursuivons avec la première interrogation à lever : se peut-il que des sociétés humaines aient pu exister sans liens intergénérationnels ?

Votre intuition vous souffle que non, et ce, pour deux raisons principales : ces liens sont nécessaires à la survie « naturelle » et « culturelle » des êtres humains. En effet, les soins aux plus jeunes sont assurés par les générations antérieures et les connaissances se transmettent de génération en génération. Tout cette mécanique bien huilée participe au fonctionnement de nos sociétés.

Si les relations entre générations ont toujours existé, des changements majeurs les ont impactées (passage des sociétés traditionnelles aux modernes, du nomadisme à la sédentarité, révolution industrielle, reconstruction post guerres mondiales…). À chaque évolution sociale, les liens intergénérationnels s’adaptent aux nouvelles conditions.

Alors, pourquoi cet intérêt soutenu à ce mode relationnel aujourd’hui ?

Voici les pistes lancées : la création du vocable « intergénération » dans les années 80 et son intégration dans les politiques publiques quelques dix ans plus tard ; le caractère exceptionnel de « la fabrique de générations » dans l’histoire des sociétés (aujourd’hui, 5 à 6 générations vivent ensemble alors « ce n’est plus simplement un passage de relais, c’est un temps partagé ») ; la tendance de l’être humain à régler sa focale sur la différence vs sur ce qui le lie aux autres, autrement nommée « la fabrique de séparations »…

Attention Sherlock, alimenter l’impression de « fossé générationnel » est une fausse piste. Plutôt que de pointer les différences entre générations en terme d’écarts impossibles à combler, voyonsles plutôt comme des variantes qui ouvrent à une société complexe mais riche.

Les individus de chaque génération agissent dans le monde avec un regard particulier, des comportements et des attitudes propres et vivent selon des temporalités et sur des territoires spécifiques. Ce sentiment d’évoluer dans des univers parallèles est exacerbé par une organisation sociétale qui structure le quotidien de chacun·e en fonction des âges (dismoi quel âge tu as, je te dirai où est ta place dans la société). Cela réduisant ainsi les opportunités de rencontres intergénérationnelles.

Votre quête du vivre ensemble n’est pas terminée et vous pensez : à défaut, peut-on fabriquer (artificiellement) de l’intergénération ?

Ce mode relationnel est partout, dans la famille, dans les mondes du travail et de l’associatif et dans les institutions. Pourtant, on observe souvent qu’il est présenté comme la cerise sur le gâteau dans le cadre d’une action menée : « l’intergénération est rarement centrée sur un intérêt commun, mais sur l’intérêt de mêler les générations. (…) Dans ce cas, réunir les générations apparaît comme une fin en soi » alors qu’elle doit être une modalité. Il ne s’agit pas de « faire » de l’intergénération mais de la « permettre », de la « générer ».

Les « activités intergénérationnelles » ont leur intérêt en ce qu’elles permettent à des personnes d’horizons différents d’échanger et de partager. Mais, nous n’entrons pas en relation durable avec autrui seulement sur base de curiosité ; il faut des raisons suffisantes d’être ensemble, quelque chose qui rapproche d’abord et qui lie ensuite. « Il ne s’agira pas de fabriquer de l’intergénération, mais de créer des situations permettant des interactions entre générations susceptibles de saper les stéréotypes enserrés dans leurs gangues de préjugés ».

Bravo pour votre pugnacité dans cette affaire du vivre ensemble et au plaisir d’une authentique rencontre !

 Elodie

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AMYOT, Jean-Jacques. À la recherche de liens entre les générations. Presses de l’Ehesp, 2016. 105 p.

Sur la même thématique : GUERIN, S., & TAVOILLOT, P-H. La guerre des générations aura-t-elle lieu ?. Calmann Levy, 2017. 237 p.

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