Où sont les vieux et les vieilles?
Le billet de Béné – Août 2021
Depuis la mort de mes grands-parents, je n’en côtoie plus. J’en rencontrais ponctuellement au détour d’une activité ou d’une interview pour le travail, mais j’ai longtemps été coupée de ce public, Covid oblige. Je me rends compte que je n’ai plus de vieux ni de vieilles dans mon entourage proche. En fait, à part la vieillesse familiale, je ne fréquente pas de personnes âgées, et elles ne me fréquentent pas non-plus.
En réfléchissant à ce constat, je me pose la question : où sont les vieux et les vieilles ? J’en croise bien dans la rue, mais il est rare que nous fréquentions les mêmes endroits. J’ai des ami·e·s et des connaissances juif·ves, noir·e·s, musulman·e·s, chrétien·ne·s, gay, trans, en situation de handicap, des personnes avec qui je partage un peu, beaucoup ou aucun trait commun. Mais aucune de ces personnes n’est vieille, ou en tout cas « vraiment vieille ».
Existerait-il donc réellement une « barrière de l’âge » qui nous empêcherait de nous lier d’amitié avec des personnes de générations différentes ? Une discussion avec Josiane Asmane (31 ans) me prouve pourtant le contraire. Elle est l’autrice du livre « Les fleurs de l’âge », qui lui a été inspiré par son amitié avec Jackie (70 ans), rencontrée dans un club de lecture. Dans l’introduction de son livre, elle parle plus en détails de ce club : « La majorité des participants sont retraités, mais leur mentalité, leur ouverture d’esprit et leur humour les rendent si vivants qu’ils semblent plus jeunes dans leur tête que les gens de mon âge ». Cette phrase me prouve que les affinités ne sont pas forcément liées à la génération. Certes, avoir des repères communs aide certainement. Mais je suis une grande adepte d’échanges avec des personnes radicalement différentes de moi, d’où mon cercle d’ ami·e·s éclectiques. Je trouve ça plus enrichissant. Pourquoi, alors, ne compte-t-il aucune personne âgée ?
Ce n’est pas que je ne le veuille pas. Et plus j’avance dans le livre de Josiane Asmane, qui compile les portraits de 10 femmes entre 50 et 100 ans, plus j’ai envie de les rencontrer. Je crois qu’on s’éclaterait. Mais je me rends compte que les espaces que je fréquente ne sont pas des espaces intergénérationnels.
Je crois qu’il existe encore trop peu de ces espaces. Je me souviens que, dans mon adolescence, les cafés de mon village étaient divisés en deux catégories bien distinctes : les cafés « de jeunes » et les cafés « de vieux ». D’ailleurs, n’a-t-il pas fallu que Josiane se rende à un club dont la « majorité des participants sont retraités » pour avoir l’occasion de rencontrer des personnes âgées ? Notre société ne facilite pas les échanges entre personnes d’âges très différents. Pourtant, se rencontrer me semble la meilleure solution pour combattre les préjugés : si on ne se parle pas, comment se percevoir autrement qu’au travers d’images préconçues ?
Cette question n’est pas rhétorique, mais capitale pour une société plus riche et diverse : où êtes-vous ? Rencontrons-nous !